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Le Vendée Globe est bien plus qu’une simple course en solitaire autour du monde sans escale ni assistance. Pour les passionnés de voile, il s’agit d’un véritable mythe, une aventure humaine et technologique aux confins de l’extrême. Depuis l’introduction des foils en 2016, cette compétition a pris une nouvelle dimension. Aujourd’hui, elle divise le monde de la course au large en deux camps : ceux qui embrassent la modernité avec des voiliers volant littéralement au-dessus des flots, et ceux qui restent fidèles à une approche plus traditionnelle, valorisant la robustesse et la fiabilité.
Cette dualité est incarnée par deux skippers emblématiques : Thomas Ruyant, adepte des foils révolutionnaires, et Éric Bellion, fervent défenseur des voiliers classiques. Ces deux figures se sont récemment rencontrées pour un débat passionnant organisé dans le cadre exceptionnel du Manoir de Kerbeleg. Retour sur cet échange captivant, qui met en lumière deux visions du Vendée Globe, leurs parcours respectifs, et leur philosophie de la navigation.
Voir le film de Christophe Duchiron (25′) :
Thomas Ruyant : le pionnier des foils
Thomas Ruyant incarne la nouvelle génération de skippers qui embrassent pleinement l’évolution technologique. Avec son bateau doté de foils de dernière génération, il mise sur la vitesse, l’innovation et l’audace. Les foils, ces appendices profilés qui permettent aux voiliers de s’élever au-dessus de l’eau, offrent un avantage décisif en termes de performance. Mais ils nécessitent aussi une préparation minutieuse, une gestion des risques accrue et une connaissance approfondie des matériaux de pointe.
Son parcours :
Originaire du Nord de la France, Thomas Ruyant s’est d’abord fait connaître par ses performances en Mini Transat avant de briller dans des compétitions comme la Route du Rhum et le Vendée Globe. Pour lui, la voile est un laboratoire d’expérimentation. “Chaque course est une opportunité d’apprendre et de repousser les limites”, confie-t-il. Sa préparation pour le Vendée Globe 2024 inclut des centaines d’heures en simulateur, des tests intensifs en mer et une équipe de techniciens hautement spécialisés.
Son bateau :
Ruyant navigue sur un IMOCA ultramoderne, conçu pour maximiser les performances en mode “vol”. Ses foils permettent de réduire la traînée et d’atteindre des vitesses impressionnantes, mais ils posent également des défis : les chocs avec des objets flottants non identifiés (OFNI) peuvent être dévastateurs, et les conditions extrêmes de l’océan Austral testent les limites des matériaux.
Éric Bellion : le chantre de la tradition
À l’opposé de Thomas Ruyant, Éric Bellion privilégie une approche plus intuitive et humaine de la navigation. “Un bon skipper, c’est avant tout quelqu’un qui connaît son bateau par cœur”, affirme-t-il. Refusant la course à l’innovation, il s’appuie sur des voiliers classiques, robustes et éprouvés. Pour lui, le Vendée Globe reste une aventure personnelle et spirituelle avant d’être une compétition technologique.
Son parcours :
Éric Bellion s’est illustré par sa capacité à fédérer autour de ses valeurs. Diplômé en communication, il s’est lancé dans la course au large avec une idée fixe : montrer que l’inclusion et la diversité sont des forces, même en mer. En 2016, il a terminé son premier Vendée Globe avec un voilier conventionnel, démontrant qu’on pouvait encore briller sans céder à l’hyper-technologie.
Son bateau :
Le bateau d’Éric Bellion est une version optimisée d’un IMOCA de génération précédente, conçu pour résister aux épreuves les plus dures sans sacrifier à la simplicité. Pas de foils ici, mais des voiles solides et une coque conçue pour durer. “Moins il y a de gadgets, moins il y a de risques de casse”, plaisante-t-il souvent.
Un débat animé sur les enjeux technologiques
Au cours de la rencontre au Manoir de Kerbeleg, les échanges entre les deux skippers ont permis de mettre en lumière les enjeux cruciaux de la course au large aujourd’hui.
Les avantages des foils selon Ruyant :
Thomas Ruyant n’a pas manqué de souligner l’impact des foils sur la compétition. “Ce n’est pas seulement une question de vitesse”, explique-t-il. “C’est aussi une opportunité de redéfinir ce que signifie naviguer. Les foils réduisent la fatigue, augmentent la sécurité et ouvrent la voie à une nouvelle génération de skippers.”
Les réserves de Bellion :
De son côté, Éric Bellion a exprimé ses doutes sur cette course effrénée à la technologie. “À vouloir tout automatiser, on risque de perdre l’essence même de ce qui fait la beauté du Vendée Globe : la relation entre le skipper et son bateau.” Il s’inquiète également de l’empreinte écologique accrue des foils, notamment en termes de fabrication et d’entretien.
Une philosophie commune malgré les divergences
Au-delà de leurs divergences, les deux navigateurs ont également trouvé des points d’entente. Tous deux partagent un profond respect pour l’océan et une admiration sans bornes pour ceux qui osent se lancer dans cette aventure hors du commun.
Thomas Ruyant a même reconnu que les navigateurs comme Bellion jouaient un rôle essentiel dans la préservation des traditions de la voile. “Sans eux, on risquerait de perdre ce lien avec l’histoire”, admet-il. De son côté, Éric Bellion n’a pas hésité à saluer les progrès apportés par les foils, “tant qu’ils restent au service du skipper et non l’inverse”.
Le Vendée Globe : un reflet des défis de notre époque
Cette rencontre au Manoir de Kerbeleg a mis en lumière un aspect souvent méconnu du Vendée Globe : au-delà de la compétition, cette course est un miroir des défis technologiques, écologiques et philosophiques de notre époque. Les choix de chaque skipper reflètent des questions fondamentales sur le progrès, la tradition, et l’équilibre entre les deux.
Que ce soit avec des foils ou des voiliers classiques, Thomas Ruyant et Éric Bellion incarnent chacun à leur manière l’esprit du Vendée Globe. Et si leurs routes semblent opposées, elles convergent finalement vers un même but : repousser leurs limites pour écrire une nouvelle page de l’histoire de la voile.
Le Manoir de Kerbeleg : un cadre chargé d’histoire
Situé en Bretagne, le Manoir de Kerbeleg offre un décor digne des grandes discussions philosophiques et stratégiques. Entre ses murs de pierre, empreints d’histoire, et ses jardins paisibles bordés d’arbres centenaires, ce lieu semble presque taillé pour accueillir des débats aussi passionnés que celui entre Ruyant et Bellion.
C’est là, dans la grande salle aux poutres apparentes, que les deux navigateurs ont partagé leurs visions respectives du Vendée Globe. Si le cadre se prêtait à la sérénité, l’échange n’en fut pas moins intense, chaque skipper défendant avec ardeur ses choix techniques et humains.
Nous tenons à remercier pour cette séquence Christophe DUCHIRON (réalisateur), Léo GUILLAUME (chargé de production Bleu Iroise), l’équipe de tournage, Thomas RUYANT et Éric BELLION.