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La main apprend le geste : Premiers pas en menuiserie à l’ancienne

Le projet

En voilà encore un qui s’annonce un chouïa compliqué mais il faut bien rêver un peu. Trouver une porte ancienne du 15e siècle aux bonnes dimensions étant mission impossible, je m’aventure dans la confection d’une qui sera robuste, en chêne ou en châtaignier, bois signatures de Kerbeleg qui en est généreusement pourvu. Elle rappellera un peu, si je mets la main sur les ferronneries qui s’y prêtent, le temps où ce passage en accueillait une.

Le châtaignier brut

Tout commence avec un vieux bloc de châtaignier brut trouvé dans un recoin de l’atelier de menuiserie de Quimperlé. Ses veines dorées, son odeur légèrement acide, sa densité parfaite… Ce bois a du caractère. Avant de m’attaquer à la confection de la porte qui séparera la suite Les Oiseaux du palier, dans le passage datant du 15è siècle, je veux d’abord éprouver la matière, comprendre son comportement, en réalisant un assemblage traditionnel en tenon et mortaise chevillé, comme le faisaient les anciens et avant tout apprendre le geste. Toute erreur est irréversible dans ce type d’ouvrage. Alain le vétéran et ses 45 ans de menuiseries et Edouard le motard seront mes maîtres Jedi du bois pour les mois à venir.

Menuiserie Travail exercice atelier tenon mortaise cheville chataignier DECOUPE SCIE RUBAN

Découpe à la scie à ruban

Commence le débit du bloc à la scie à ruban. Les deux morceaux à assembler prennent forme lentement, au rythme régulier de la lame. La coupe est franche, le son du ruban se mêle au léger parfum du châtaignier. Déjà, le bois se dévoile. Le d’Edouard est sûr, précis, presque méditatif. J’ai oublié mon masque, déjà la poussière de l’atelier m’envahit.

Rabotage et mise aux dimensions

Afin de me familiariser avec toutes ces nouvelles machines et outils, nous passons ensuite au rabotage pour amener les pièces à leurs dimensions exactes : quarante-deux millimètres d’épaisseur, douze centimètres de largeur et une mise à l’équerre stricte. Ce sont des tests pour les montants de la future porte. À chaque passage du rabot, nous ajustons la planéité, je vérifie les équerrages. Le bois s’adoucit, sa surface devient lisse sous la main. Ces gestes simples posent les fondations de la justesse.

Traçage du tenon et de la mortaise

Une fois les pièces bien calibrées, je trace les angles, le tenon et la mortaise. Le crayon glisse sur le bois, guidé par l’équerre et la fausse équerre. Ce moment demande une concentration silencieuse. Chaque trait détermine la précision de l’assemblage à venir. Un demi millimètre d’erreur et les éléments de la porte ne seront pas jointifs. Une correction d’un élément et elle prend une forme légèrement trapézoïdale. Aucune marge de manœuvre, si je dois faire des erreurs, c’est maintenant…

Découpe des moulures à la toupie

Avant de tailler les assemblages, nous choisissons ensemble un jeu de lames pour réaliser les moulures à la toupie. Suffisamment élaborées mais pas trop pour cet ouvrage rappelant les portes anciennes. Le bois prend alors son premier caractère. Les profils se dessinent avec élégance, sobres et réguliers. Le châtaignier répond bien, lisse, il se laisse guider sans résistance. L’atelier embaume d’une odeur chaude de bois fraîchement travaillé.

Découpe à la tenonneuse

Alain prépare la tenonneuse et règle les butées et la lame à dents qui rappelle un peu celle d’une tronçonneuse, en plus fin bien sûr. La découpe du tenon se fait en plusieurs passes. Le tenon doit être net, régulier, prêt à s’emboîter sans contrainte.

Menuiserie Travail exercice atelier tenon mortaise cheville chataignier porte MORTAISEUSE

Creusage à la mortaiseuse

Nous passons ensuite à la mortaiseuse. Le châtaignier oppose juste ce qu’il faut de résistance. Le geste d’Edouard est lent, mesuré. Chaque plongée de la mèche creuse la matière avec force et douceur à la fois. Une fois la mortaise dégagée, nous finissons d’ébarber les bords au ciseau à bois pour un ajustement parfait.

Ajustage et montage à blanc

C’est le moment du premier assemblage à blanc. Le tenon glisse dans la mortaise avec une légère résistance mais une étonnante précision. Je passe d’interminables minutes à corriger au ciseau, un cheveu de bois à la fois chaque défaut de mes découpes d’angles, novice guidé par les techniques suggérées par mes deux maîtres. Quand tout s’ajuste sans forcer, je sais que l’essai est réussi. Ces instants valent toutes les heures passées à l’établi. Mes savants du bois me reprochent en souriant mes trop nombreuses questions mais l’enthousiasme et l’impatience de comprendre les astuces qui m’éviteront les écueils sont vite compris.

Confection et pose des chevilles

De retour à Kerbeleg, je taille mes chevilles en « V » dans du bois brut. Ce petit détail, presque insignifiant pour un œil non averti, fait toute la différence. Le perçage de chacune des pièces de bois se fait en léger décalage, selon la technique du « tire douce ». Ainsi, lorsque les chevilles sont insérées en force, elles tirent naturellement les deux pièces l’une vers l’autre, assurant un serrage solide sans colle. Le geste est ancien, mais d’une efficacité admirable.

Ponçage et finitions

Je ponce l’ensemble avec soin. Même si ce n’est qu’un exercice, je veux me faire une idée précise du rendu final. Le bois devient soyeux, le châtaignier révèle sa lumière. J’applique ensuite une teinte au brou de noix. Cette patine naturelle donne de la profondeur, rehausse les veines et souligne les moulures. Enfin, je termine par un passage à l’huile de lin. Elle nourrit le bois en profondeur, le protège et lui confère cette chaleur douce propre aux ouvrages faits pour durer.

La leçon du bois

Ce premier exercice n’a rien d’un chef-d’œuvre, mais il a la valeur d’un apprentissage sincère. Dans ce simple assemblage, il y a déjà toute la promesse du travail à venir. Ce tenon et sa mortaise ne sont pas qu’un assemblage de bois : ils sont un lien entre le geste et la matière, entre le passé et le présent. Ce test m’a rappelé une vérité simple : avant d’écouter à la porte, il va me falloir apprendre à écouter le bois. Le temps est mon ami, je dois le cultiver comme mon potager.


Publié le :27 octobre 2025  -  Classé sous :Bricolage


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