Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.
“Un jour que nous dînions chez des amis nantis tout à la joie d’avoir acquis une toîle d’un maître renommé m’est apparue une vision. Cette huile sur toile d’un très grand format trônait au milieu d’un vaste mur blanc. Aucun pigment dans l’huile, rien que du blanc, blanc sur fond blanc. Une lumière blanche rasante vient souligner quelque forme blanc-sombre discrète. L’agilité du couteau pour cet impasto est subtile et puissante. Le scénario d’une pièce de théâtre et bien des débats mondains pourraient faire tinter les flûtes sur les parquets grinçants d’un loft Haussmannien mais me vient l’envie de remplacer ce vieux poster au-dessus de notre canapé par une création de mon jus.
Quelle arrogance, quel mépris pour l’art, le bel, suis-je donc si malvoyant ? L’innocence de ma vingtaine bien entammée et quelques centaines d’heures à bricoler dans l’atelier de mes grand-pères me poussent au cul. Ce week-end, j’encolle. Dans l’atelier normand, je confectionne un cadre et tends une toile de lin que je prépare.
De retour à Paris, je me lance et trouve sur internet cet extrait d’un tableau de Léon Lhermitte, ‘La Paye des moissonneurs’ dont je croque un extrait recadré sur ma toile avant de la peindre au couteau.
Autant dire que ma copie est une insulte à l’auteur. Droitier gauche, mon geste est maladroit et le résultat n’a d’autre prétention que de donner un peu de couleur à notre mur, ocre. Le tableau sied à notre canapé. Je l’oublie, quelques amis flatteurs ou compatissants s’extasient. Je les en remercie, ils m’ont encouragé, même si je ne suis pas dupe à ce moment que le chemin sera long… très long.
Les années passent, mon tableau finit enfin par me lasser et je me lance dans la représentation d’un jeune moine cambodgien dont j’avais pris le portrait lors d’un séjour à Siem Reap. N’ayant sous la main que ma ‘croûte’, scène de ferme, je m’aventure à la couvrir d’un vert sombre et en éffleurer au pinceau les reliefs laissés par les coups de couteau. Le résultat ci-dessous (à gauche) me plaît pour la décoration de notre salon de Singapour.
Des années plus tard, je rendais visite à Chantal qui souhaitait m’offrir pour mon mariage une de ses magnifiques toiles, un barde sans visage. Je le conserve avec amour, son travail me fait vibrer depuis des années. Je lui raconte alors le parcours de ma toile jusqu’à ce qu’elle me lance un ‘on ne recouvre jamais un tableau‘ qui me tourmente encore un peu, mais le conseil était avisé, je ne recommencerai plus.
“Barde”, huile sur bois
par Chantal de la Boullaye-Billet
Aujourd’hui ma croûte repose, recouverte, sous la Kesa monochrome de mon moinillon apaisé.”
- Fabien Raveton, 1999
- Acrylique sur toile
- Dimensions : 100x100cm
- Lieu d’exposition : N’existe plus, masquée.